Femen : y a-t-il un vrai combat pour les femmes ?

Yuri Martynenko, correspondant à Kiev, Ukraine
9 Juillet 2013


Après des siècles de batailles pour obtenir des droits décents, les femmes ne se sentent toujours pas égales aux hommes. Le mouvement Femen se déclare être à la pointe de l’offensive contre les inégalités. Un regard désabusé sur les fameuses militantes à moitié nues.


Crédit photo -- Femen
Quel est le lien entre le Championnat d'Europe de football 2012, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan et le chef de l'Église orthodoxe russe ? Tous ont été pris à partie par les Femen, mouvement féministe que vous connaissez certainement étant donné la tournure médiatique qu’il a pris ses derniers temps. Les militantes, qui préfèrent qu’on les appelle « sextrémistes », sont connues pour leurs manifestations seins nus très médiatisées. Pourquoi une telle popularité ?

L’histoire du groupe Femen a commencé en Ukraine en 2008. Trois jeunes femmes, à l’origine du mouvement, racontent avoir créé Femen afin de défendre les droits des femmes. Mais au fil du temps, leurs revendications sont devenues bien plus nombreuses. La démocratie, l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne, la chute de la dictature en Biélorussie, le combat contre l’islamisme en Iran, Égypte ou Tunisie : aujourd’hui, tout est devenu important pour ces jeunes militantes. « Les femmes sont en danger aux quatre coins du monde », rappellent les Femen. Alors, elles agissent. 

Plus de caméras, plus de succès

Si certains trouvent leurs méthodes trop simples et même, primitives, ces activistes ont réponse à tout. Ce qu’elles veulent ? Provoquer un débat public, montrer que les femmes sont capables de se battre pour leurs droits. Selon cette idéologie universelle, rien n’est mieux que de découvrir sa poitrine devant les nombreuses caméras en criant des slogans. Et c’est encore mieux si la police intervient, car cela permet de résister audacieusement. Le message est clair : nous, les femmes, sommes humiliées par les hommes lorsque l'on essaie de lutter contre les inégalités sociales, mais nous sommes déterminées à poursuivre nos actions.

Leurs actions, justement, les ont parfois menées devant les tribunaux. En 2012, les militantes Femen ont scié la croix de bois érigée à Kiev en mémoire des victimes des répressions staliniennes. Le rapport avec le féminisme n’est pas évident, mais elles, le trouvent très clair. « En accomplissant cet acte, Femen appelle toutes les forces saines de la société à scier les préjugés religieux pourris, sans pitié, qui sont à l’origine de la dictature et empêchent la démocratie et la liberté des femmes de se développer », ont-elles annoncé. Les militantes ont ajouté que la croix avait été sciée en soutien aux membres du groupe Pussy Riot arrêtées en Russie.

Une ampleur internationale

Poursuivies par la justice ukrainienne pour cet acte de vandalisme, les Femen ont réorienté leurs actions vers des problématiques internationales. Après avoir installé le siège du groupe à Paris, des manifestations considérables ont été organisées en France et dans toute l'Europe. Leurs cibles ? Silvio Berlusconi, Dominique Strauss-Kahn, Alexander Lukashenko ou encore Angela Merkel. Bien que la revendication exposée à la chancelière allemande soit étrange – faire libérer les militantes féministes détenues en Tunisie – les activistes dénudées n’ont pas hésité à crier à plusieurs reprises leur slogan « Free Femen ! ».

Le sujet anti-islamiste a pris une toute autre proportion au sein du mouvement Femen après le printemps arabe. Le groupe a, tout à coup, trouvé une bonne opportunité de se rallier aux mouvements populaires en Égypte, Tunisie, Turquie ainsi qu’en Iran. « Nous avons attiré l’attention de la communauté concernant l’islamisation des pays du Maghreb et forcé les autorités islamiques à imiter les réformes démocratiques réclamées par le printemps arabe. Mais attention, ce n’est qu’une imitation », écrivent les militantes sur leur site web.

Le succès des Femen n’est plus à prouver, leur légitimité reste encore à démontrer. Peut-on affirmer qu’avec la présence des Femen dans les médias, les droits des femmes sont mieux protégés ? Mieux vaut chercher la réponse parmi les objectifs fixés par les militantes. Elles ont répété maintes fois que les actions « sextrémistes » visent à dénoncer les problèmes des femmes dans certaines sociétés. Malheureusement, cela ne garantit pas leur résolution. L'exhibition pourrait certes revenir à la mode grâce à ce groupe féministe, mais pour les plus critiques, les Femen ne représentent aucune idéologie. Pire, ces militantes discréditent le féminisme, car il commence plus à s'apparenter à des actes de vandalisme au lieu d'être une bataille bien plus sérieuse. Succès ou échec, à chacun de décider. Et surtout à chacune.